Pour le secteur automobile, le bouleversement s’annonce aussi radical que le passage de la machine à vapeur au moteur à explosion. Tour d’horizon des gagnants et des perdants.
A quels changements devons-nous nous attendre ?
Sacré diesel. A cause de lui, le cours de l’histoire automobile s’est brusquement accéléré. Il y a trois ou quatre ans, les constructeurs prédisaient encore un bel avenir aux bonnes vieilles bagnoles à pétrole. Mais depuis, le Dieselgate a tout emporté sur son passage et ouvert un boulevard à la voiture électrique. Paris, Madrid, Oslo, Athènes, Mexico… la liste des villes qui ont annoncé leur volonté de bannir les moteurs thermiques s’allonge de semaine en semaine. Au point que, selon le cabinet Roland Berger, la part de marché des véhicules hybrides ou électriques devrait bondir de 1% à 30% d’ici 2030.
Autant dire que, des constructeurs aux garagistes, en passant par les équipementiers et les pétroliers, toute la filière automobile va affronter un véritable big bang. A ce grand jeu de chamboule-tout, certains vont sans doute laisser beaucoup de plumes. Mais pour d’autres, ce sera la fortune.
Tous les constructeurs vont être obligés de changer leurs chaînes de production et ce n’est pas une petite affaire !
Pour lancer sa gamme électrique, l’Alliance Renault-Nissan a mis 4 milliards d’euros sur la table. La décision d’investir est d’autant plus difficile à prendre que beaucoup d’incertitudes demeurent. Sur la rapidité de développement du marché comme sur les technologies qui profiteront le plus de la mutation : 100% électrique, hybride, hybride rechargeable ?
Mais cela n’évacue pas les tracas. Pour les moteurs, en 2015, cette activité occupait 112.000 salariés répartis dans 126 usines en Europe. Que vont-ils devenir ? “Si le marché s’oriente vers l’hybride, ce sera une bonne nouvelle pour l’emploi automobile, car fabriquer ce type de modèle demande 50% de temps en plus que pour un véhicule thermique, mais si c’est l’inverse…”
Quelle sera la place des équipementiers dans le monde automobile électrifié de demain ?
LG contribue pour plus de 50% au contenu d’un véhicule electrique en lui fournissant sa batterie et une foultitude de modules clés. Les équipementiers traditionnels, du type Delphi ou Bosch, comptent, eux, pour 28%… Du coup, la situation des fournisseurs est assez contrastée. Valeo ou Conti, qui ont beaucoup allégé leurs travaux de recherche sur les motorisations traditionnelles, seront peu inquiétés. Idem pour Michelin, dont les produits restent indispensables. En revanche, Faurecia ou Schaeffler, encore très présents sur les moteurs à combustion, ont du souci à se faire.
Formateurs : gagnant
Pour eux, changement de logiciel obligatoire ! Afin de faire face aux exigences d’un nouveau monde automobile de plus en plus électrifié, les écoles d’ingénieurs, les IUT et les centres de formation continue vont devoir remettre à plat tous leurs programmes. “Voyez les acousticiens. Depuis que l’industrie automobile existe, on leur demandait de supprimer les bruits. A présent, avec le silence des voitures électriques, ils doivent inventer des buzzers pour alerter les passants !”
Il faudra plus de spécialistes de l’électrochimie des batteries ou de l’électronique de puissance, qui sert à gérer l’énergie du véhicule.
Les compagnies minières sont à la fête
Les compagnies minières spécialisées dans le lithium, le cobalt, le nickel ou le graphite présents dans les batteries sont à la fête. Tout comme les producteurs de cuivre : les voitures électriques en renferment quatre fois plus qu’un modèle classique ! D’ici à 2027, les besoins pour la fabrication des véhicules zéro émission pourraient atteindre 2 millions de tonnes, contre 200.000 tonnes aujourd’hui.
Pour eux, c’est le jackpot : les industriels asiatiques comme Panasonic, LG Chem, Samsung, CATL ou encore BYD ont acquis une avance déterminante dans la chimie des batteries.
Chez Total, on a sorti la calculette
Si ce scénario se vérifiait, la consommation mondiale de pétrole baisserait de 4 millions de barils par jour.
Producteurs d’électricité, l’équivalent de la production d’un réacteur EPR.
D’après RTE, le gestionnaire du réseau haute tension en France, l’hypothèse d’un parc roulant de 5 millions de voitures électriques et hybrides rechargeables en 2030 est plus que plausible. Ces véhicules consommeraient chaque année plus de 12 téra wattheures (TWh), l’équivalent de la production d’un réacteur EPR. Aujourd’hui, la demande d’électricité liée au transport (trains et transports en commun) est de 13 TWh… Autant dire que ce “tirage” supplémentaire sur le réseau devra être finement géré pour éviter les défaillances.
Au moment des pointes de consommation, la recharge massive des voitures pourrait en outre forcer l’opérateur à recourir davantage aux énergies fossiles et à importer du courant des pays voisins, souvent plus carboné que le nôtre. Mauvais pour la planète !
Professionnels de l’entretien, Attention, tsunami en perspective !
L’électrification des automobiles va obliger les garagistes à réviser leurs classiques. Pour mettre les mains sous le capot d’une Renault Zoe ou d’une Nissan Leaf, tout professionnel est censé détenir une habilitation spécifique, délivrée par un organisme de formation. Avec les 400 à 600 volts de tension enfermés dans ces voitures, pas question d’intervenir en dehors d’un périmètre de sécurité bien délimité et sans gants spéciaux. Dans le cas de l’hybride, c’est pire : deux homologations sont exigées, tant la technologie en œuvre est complexe.
A priori, les Midas, Speedy, Norauto et autres sont logés à la même enseigne que leurs collègues petits garagistes. “Sur les véhicules à batterie, il n’y a plus de pot d’échappement à changer, plus de vidange à faire, plus de filtres à remplacer. Du coup, environ 20% des interventions traditionnelles qu’ils réalisent vont disparaître. L’ère du mécano barbouillé de cambouis a vécu.